Ces dernières années, le monde du travail a connu des transformations profondes.
Si certaines évolutions étaient déjà amorcées, la véritable accélération est venue avec la pandémie. Les mesures d’urgence liées à la Covid-19 ont poussé entreprises et administrations à expérimenter de nouvelles formes de flexibilité : télétravail, travail hybride, et, plus radicalement, la semaine de quatre jours.
Ce modèle n’est plus une utopie réservée aux visionnaires : il s’impose désormais comme une option concrète, testée par des milliers de personnes dans plusieurs pays, dont l’Italie, et suscite un débat mondial.
Mais fonctionne-t-il vraiment ? C’est ce que nous allons examiner. .
Une idée ancienne redevenue actuelle
La réduction du temps de travail n’est pas nouvelle. En Italie, la semaine de 40 heures – norme dans la plupart des secteurs – a été fixée par la loi en 1997, bien qu’elle ait été acquise dès la fin des années 1960. Dès les années 1970, des propositions visant à réduire encore le temps de travail apparaissaient, portées par la hausse de la productivité industrielle.
À l’époque, le paradigme était clair : plus de technologie signifiait plus de production, donc plus de travail. Aujourd’hui, la logique s’inverse : avec l’automatisation et l’intelligence artificielle promettant davantage de productivité en moins de temps, le défi consiste à améliorer le bien-être, renforcer l’engagement – souvent faible en Italie et ailleurs – et assurer la durabilité du travail.
La semaine courte revient ainsi au centre du débat, non comme une concession, mais comme un levier stratégique pour lutter contre le burn-out, le désengagement et des phénomènes récents comme le « le grand détachement », ce sentiment croissant de distance émotionnelle vis-à-vis du travail.
Les preuves des expérimentations à grande échelle
Le tournant s’est opéré avec des tests massifs. L’un des plus marquants : l’expérimentation menée au Royaume-Uni en 2022. Plus de 60 entreprises et 3 000 salariés ont testé pendant six mois le modèle 100-80-100 (100 % du salaire, 80 % du temps, avec au moins 100 % de productivité).
Résultat : nette amélioration du bien-être, baisse du stress, hausse de la satisfaction personnelle et familiale. De nombreuses entreprises ont pérennisé le modèle après l’essai.
Plus récemment, Juliet B. Schor, économiste et sociologue au Boston College, a publié Four Days a Week: The Life-Changing Solution for Reducing Employee Stress, Improving Well-Being, and Working Smarter (Harper Business). Ce livre compile les résultats de la plus vaste étude sur la semaine de quatre jours, menée en 2022 auprès de 245 organisations et 8 700 employés dans divers secteurs et pays.
Dans une interview publiée dans le MIT Sloan Management Review, le professeur a déclaré que les résultats obtenus par les entreprises qui ont expérimenté la semaine courte étaient étonnamment positifs.
Fait notable : un an après, 90 % des entreprises ont conservé le modèle. Une donnée qui bouscule un préjugé : moins de jours ne signifie pas moins de production.
Pourquoi ça marche : la productivité au cœur
Peut-on faire plus en travaillant moins ? Les données suggèrent que oui, dans de nombreux contextes.
La réduction des jours incite à rationaliser : moins de réunions inutiles, plus de concentration, priorité aux tâches à forte valeur ajoutée.
En clair, la semaine courte oblige à distinguer l’essentiel du superflu, réduit la charge mentale et libère de l’énergie.
Le bien-être comme facteur de compétitivité
Ce modèle ne se limite pas à l’efficacité : il améliore la qualité de vie. Les salariés dorment mieux, disposent de temps pour leur famille et leurs passions. Or bien-être et performance sont liés : moins de burn-out, moins d’absentéisme, plus d’engagement.
Dans un marché tendu, offrir un cadre durable devient un atout pour attirer et fidéliser les talents. Sans surprise, la satisfaction des employés atteint des niveaux records dans les entreprises qui ont adopté la semaine courte.
Les limites et les défis
Tout n’est pas simple. Certains secteurs (santé, commerce, logistique) nécessitent une présence continue et imposent une réorganisation profonde.
Autre enjeu : les inégalités. Les métiers créatifs ou numériques s’adaptent mieux que les tâches manuelles ou de service.
Enfin, le risque d’intensification du rythme existe, même s’il ne s’est pas concrétisé dans les études citées.
Comme pour le travail hybride, la semaine de quatre jours n’est pas une solution universelle. Elle exige une analyse des contextes et des besoins spécifiques.
Un nouveau contrat psychologique
Ce modèle ne se résume pas à « travailler moins », mais à « travailler mieux ».
L’accent se déplace du temps passé au bureau vers les résultats obtenus. Cela suppose confiance, clarté des objectifs et nouvelles métriques. La semaine courte est aussi une expérience culturelle : elle remet en cause les modèles hiérarchiques, favorise l’autonomie et la responsabilité.
Cela s’inscrit dans un mouvement plus large : travail hybride, adoption massive de l’IA générative, importance croissante du bien-être psychologique, attentes des nouvelles générations.
Comme toute transformation, elle doit être accompagnée. Logotel, société de design indépendante, rappelle qu’une adoption réussie repose sur l’engagement des personnes et la création d’espaces où tester, apprendre et partager.
Conclusion : est-ce que ça marche vraiment ?
Oui, dans de nombreux cas, mais pas partout et pas sans repenser l’organisation. Ce n’est pas une formule magique, mais un choix stratégique qui doit s’accompagner d’une transformation culturelle.
Cela fonctionne si les entreprises redéfinissent leurs processus, placent le bien-être au centre et répondent à la quête d’équilibre et de sens des nouvelles générations.
En Italie, des entreprises comme Intesa Sanpaolo, Lamborghini, Luxottica et certaines administrations publiques expérimentent déjà ce modèle. Comme toute innovation, il faudra du temps pour savoir si elle deviendra la norme.